Le journal dialogué, késako ?
Support du journal dialogué
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Un petit cahier/carnet par élève J’ai plié en deux plusieurs feuilles de classeurs et agrafé au centre pour faire un petit carnet de journal dialogué uniquement destiné au livre travaillé ici. Pour la première de couverture, je leur ai demandé de faire une illustration adaptée au livre, d'écrire le titre et l'auteur du roman travaillé et leur prénom.
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Qui écrit dans le journal dialogué ?
L’élève et l’enseignant Variable : le journal peut être échangé avec un camarade, mais je n’ai pas encore tenté l’expérience. Il me semble que les élèves doivent être plus familiarisés avec cet outil pour pouvoir échanger avec leurs pairs.
Contenu du journal dialogué Il s’agit d’échanges entre l’enseignant et l’élève. L’élève écrit ce qu’il pense de ces lectures, ces remarques, ces interrogations, son ressenti, ses hypothèses, ce qu’il comprend... L’enseignant lui répond. Au début de chaque séance de lecture, l'élève lit ce qu'a noté l'enseignant et y répond si nécessaire. A la fin de chaque séance de lecture individuelle silencieuse, l’élève note dans son journal la date, le numéro de la page où il s’est arrêté et parle de ce qu’il vient de lire. Niveau espace page, c'est parfois un peu compliqué si j'ai besoin de rebondir à leurs réponses et qu'ils ont écrit le jour suivant juste après. Je leur ai donc demandé par la suite de laisser de l'espace entre chaque date pour avoir la possibilité d'approfondir la réaction d'un jour si besoin. On peut leur faire utiliser une page par jour.
Quand ? - Après la lecture magistrale d'un livre, l’élève le relit individuellement et à la fin de chaque séance de lecture, écrit dans son journal dialogué. Variable : On peut proposer d’utiliser un journal dialogué pour la lecture autonome sans lecture au préalable. |
Le journal dialogué, pour quoi ?
Les objectifs
Comprendre la différence entre raconter l’histoire et parler de l’histoire.
L’écrit reflète ici les pensées et réflexions de l’élève au sujet d’une lecture. L’enseignant répond à ses remarques et questions dans le but d’affiner sa réflexion et sa compréhension du texte.
Ce cahier est personnel, il n’est lu que par l’élève et l’enseignant. Il n’a pas vocation à être lu par d’autres personnes. L’élève doit faire attention à l’orthographe, la syntaxe et la graphie pour être compris par son enseignant mais il n’est pas nécessaire de corriger les écrits des élèves.
Ecrit au service de la compréhension
Le journal dialogué engage un travail d’écriture au service de la compréhension. L’écrit encourage ici la réflexion et permet de prendre davantage de recul par rapport au texte lu.
Ecrit de mémoire
Il permet aussi de garder une trace du cheminement de la pensée tout au long de la lecture du livre.
Ecrit de communication
Comme il s’agit d’un échange écrit entre l’élève et l’enseignant, il revêt aussi une dimension sociale de communication qui donne du sens et motive l’élève.
Mes élèves m’ont dit avoir beaucoup apprécié cet échange individuel avec moi, comme une sorte de moment intimiste avec la maîtresse. Ils attendaient avec impatience mes réponses, comme lors d’une correspondance.
Outil d'individualisation
Chaque échange est différent. L’enseignant répond en fonction des écrits de l’élève et pose des questions par rapport aux besoins de chacun pour l’aider à mieux comprendre le texte.
L’enseignant vise à...
« 1) aider l’élève à prendre conscience de ses stratégies et opérations cognitives en les reformulant au besoin (aspect métacognitif) et à exiger la cohésion en se limitant au traitement d’un seul sujet à la fois (cohésion) pour favoriser l’élaboration ;
2) souligner de manière positive les éléments réussis (renforcement) ;
3) signaler sous forme de question ce qui pourrait encore être travaillé ou sous forme de conseils précis (étayage interactif et précis) ;
4) faire respecter les étapes minimales sur un plan rhétorique (poser la stratégie, faire une mise en contexte et élaborer en citant le texte à l’appui) ;
5) à susciter régulièrement des liens avec le contenu (tissage)
6) puis, idéalement, personnaliser les réponses adressées aux élèves et à faire le même nombre de remarques à tous (équité), à partager ses réactions, à faire des suggestions culturelles et, surtout, à éviter à tout prix d’évaluer la norme linguistique (afin de privilégier un dialogue authentique). »
De Manon Hébert > https://journals.openedition.org/reperes/252#tocto2n9
Conseils et outils pour mettre en place le journal dialogué
Exemple d’introduction commune collée au début de chaque journal dialogué :
Voici ton journal dialogué dans lequel tu échangeras avec moi.
Au début de chaque séance de lecture, tu prendras le temps pour lire ce que j’ai noté et y répondre si besoin.
Après la lecture du livre, à la fin de la séance, tu auras un temps pour écrire tes réactions.
Chaque fois, tu devras écrire la date et la page à laquelle tu t’es arrêté de lire.
Tu pourras écrire :
- une critique, en expliquant ton opinion et tes raisons.
- un questionnement, en décrivant ce que tu ne comprends pas ou ce que tu ne trouves pas clair.
- une hypothèse, en imaginant une suite possible de l’histoire et en t’appuyant sur ce que tu as déjà lu.
- un opinion, en précisant ce que tu en penses, ce que tu aimes ou n’aimes pas et pourquoi.
- un ressenti qui te rappelle une expérience personnelle, en expliquant ce qui te touche et pourquoi.
Si tu as d’autres idées, n’hésite pas !
Au plaisir de te lire,
Delphine
Exemple d’écrits de l’enseignant :
- Pourquoi ?
- Qu’est-ce qui te fait penser cela ?
- Cite un passage du texte qui ...
- Quel est ton passage préféré ?
- Je suis d’accord avec toi, moi aussi...
- Je ne comprends pas ce que tu veux dire. Peux-tu m’expliquer ?
- Et toi, qu’aurais-tu fait à sa place ?
- Que penses-tu de ce personnage ? Décris-le.
- « Passage du livre » Qu’est-ce que cela veut dire ?
- Copie ton passage/ta phrase préférée et explique pourquoi tu as choisi celui/celle-là.
Je leur demandais d'écrire au stylo bleu ou au crayon. Pour une même réaction, j'écrivais une première fois en noir et une deuxième fois en orange pour qu'ils voient plus facilement les différentes étapes d'un échange sur plusieurs jours. Il est arrivé, quand l'échange était riche, que ça devienne un peu le bazar mais la communication passait bien malgré tout.
Création de fiches outils
On peut progressivement créer des fiches outils avec la classe en fonction des besoins, pour aider à l’écriture du journal :
- décrire un personnage
- résumer un passage
- critiquer et donner son opinion > liste de vocabulaire utile
- Emettre des hypothèses en respectant ce qui est écrit
- liste d’introductions
Un exemple de liste d’introductions
- J’ai aimé ... car ...
- Je n’ai pas aimé quand... car ...
- Cela me rappelle la fois où...
- Je ne comprends pas...
- Je ne comprends pas pourquoi...
- En lisant ce passage « ... », je me suis senti(e)... car...
- Pour la suite, j’imagine ...
- A la place de ... (personnage), j’aurais...
- J’ai compris que ... parce que ...
Difficultés rencontrées
- Certains élèves ont quelques difficultés à parler du texte et ont tendance à raconter. Après la première séance, j'ai rappelé la différence entre raconter et parler de..., j'ai lu des extraits de journaux dialogués et ils devaient m'indiquer si l'élève racontait ou parlait de... Et puis, au fil du journal, après quelques échanges avec l'enseignant, ils finissent par se "lâcher" ou par comprendre ce que signifie "parler du texte". Si on met en place un guide avec une liste d'introductions, cette difficulté devrait être minime.
Au début... Ensuite...
(cliquer pour agrandir)
- La plus grande difficulté des élèves de ma classe en général, c'est de justifier. Il faut régulièrement les inviter à expliquer leur opinion, leur ressenti.
Mon organisation
Le temps d'écriture de l'enseignant
Peut-être vous dites-vous que ces échanges écrits individuels avec chaque élève sont fastidieux.
Personnellement, je trouve que c'est assez rapide à condition de bien connaître le livre.
Et puis, on ne se préoccupe que du sens et non de la forme (orthographe).
Si vous vous organisez pour ne pas que tous les élèves utilisent leurs journaux dialogués le même jour, c'est encore plus facile.
Je coupe ma classe en deux groupes.
Lundi > Groupe A : journal dialogué en autonomie // Groupe B : activité avec moi
Mardi > Groupe B : journal dialogué en autonomie // Groupe A : activité avec moi
Jeudi > Groupe A : journal dialogué en autonomie // Groupe B : activité avec moi
Vendredi > Groupe B : journal dialogué en autonomie // Groupe A : activité avec moi
Gérer l'hétérogénéité
Certains élèves lisent plus rapidement que d'autres et donc les élèves ne terminent pas tous le livre en même temps.
Il faut donc prévoir des activités pour les plus rapides et laisser le temps à chacun de lire à son rythme et d'aller au bout du livre.
On peut aussi lire des passages à certains élèves lents ou leur faire sauter certaines pages bien choisies.
Il est aussi possible de proposer jusqu'à 3 livres différents en fonction des besoins ou des goûts des élèves.
Evaluer le journal dialogué
Voici ce qu’on peut évaluer à travers la lecture des journaux des élèves :
- soin apporté à la présentation générale du journal dialogué
- respect des consignes
- variété des réactions
- prise en compte des écrits de l’enseignant (ou du pair)
- compréhension du texte
- présentation de réactions claires, organisées
- souci de parler du texte et non de raconter
- capacité à citer le texte pour expliquer ou appuyer un propos
- appel à ses connaissances et expériences personnelles ou à des textes déjà lus.
Cette évaluation peut être explicite et les attentes consignées dans une grille à disposition des élèves.
Dans les programmes 2015 - Cycle 3
Lecture et compréhension de l’écrit
Tout au long du cycle, et comme au cycle précédent, les activités de lecture restent indissociables des activités d’écriture, qu’il s’agisse des écrits accompagnant la lecture (cahiers ou carnets de lecture pour noter ses réactions de lecteur, copier des poèmes, des extraits de texte, affiches, blogs), de ceux qui sont liés au travail de compréhension (reformulation, réponses à des questions, notes, schémas…).
[...] partager des impressions de lecture.
Attendus de fin de cycle
Lire, comprendre et interpréter un texte littéraire adapté à son âge et réagir à sa lecture.
Repères de progressivité
L’écriture est aussi un moyen d’entrer dans la lecture littéraire et de mieux percevoir les effets d’une œuvre, qu’il s’agisse d’écrire pour garder des traces de sa réception dans un cahier ou carnet de lecture, d’écrire en réponse à une consigne dans un genre déterminé pour chercher ensuite dans la lecture des réponses à des problèmes d’écriture [...]
Les activités de lecture doivent permettre aux élèves de verbaliser, à l’oral ou à l’écrit, leur réception des textes et des œuvres : reformulation ou paraphrase, mise en relation avec son expérience et ses connaissances, mise en relation avec d’autres lectures ou d’autres œuvres, expression d’émotions, de jugements, à l’égard des personnages notamment.
Ecriture
L’accent est mis sur la pratique régulière et quotidienne de l’écriture, seul ou à plusieurs, sur des supports variés et avec des objectifs divers : l’écriture est convoquée dans les apprentissages pour développer la réflexion aux différentes étapes sous forme d’écrits de travail ou de synthèse ; elle est pratiquée en relation avec la lecture de différents genres littéraires [...]
Les élèves prennent l’habitude de recourir à l’écriture à toutes les étapes des apprentissages : pour réagir à une lecture [...]
Compétences et connaissances
Recourir à l’écriture pour réfléchir et pour apprendre
Écrits de travail pour formuler des impressions de lecture, émettre des hypothèses, articuler des idées, hiérarchiser, lister.
Écrits de travail pour reformuler, produire des conclusions provisoires, des résumés.
Écrits réflexifs pour expliquer une démarche, justifier une réponse, argumenter.
Repères de progressivité
Les élèves prennent également l’habitude de formuler par écrit leurs réactions de lecteur et de garder une trace écrite des ouvrages lus dans un cahier de littérature, sous forme papier ou numérique.
Tous les écrits produits ne donnent pas lieu à correction systématique [...]
Ressources
- EDUSCOL > Le journal dialogué : variante du carnet de lecteur
- Les publications Québec Français > Le Journal dialogué : Pour faire aimer la lecture
- Sur le site Repères - Recherches en didactique du français langue maternelle > Journal dialogué de lecture au primaire et au secondaire : quels savoirs enseignants pour soutenir et évaluer le développement du jeune sujet lecteur ? De Manon Hébert
- Sur le site du ministère de la Saskatchewan (Canada) > Le journal dialogué
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Comme toute nouveauté testée dans ma classe, j'ai tâtonné.
J'ai des ajustements à faire en fonction des faiblesses et difficultés observées chez mes élèves.
FAQ
Est-ce que cela n'est pas trop chronophage ?
En classe, comme toute activité, cela prend du temps. Chaque jour, la moitié de ma classe était en autonomie lecture/journal dialogué pendant 35 minutes (lecture 20' et écriture 15' grosso modo). Donc environ 1h10 par semaine pour un groupe, ce qui laisse la place à d'autres activités de lecture ou de littérature.
Pour l'enseignant, je n'ai pas trouvé ça chronophage d'écrire dans 12 journaux par jour, c'est moins long que de corriger des exercices et surtout beaucoup plus agréable. Hihi !
N'y a-t-il pas des élèves qui ne mettent rien dans leur journal parce qu'ils n'ont pas de questionnement ou parce qu'ils ne savent pas quoi dire ?
Après 20 minutes de lecture, il y a toujours quelque chose à dire. Dans ma classe, il n'y a jamais eu de "page blanche" mais j'ai observé plusieurs difficultés qui ont limité certains élèves.
* Parler de ce qu'on vient de lire, c'est aussi un peu se livrer et certains n'osent pas. Ce que l'enseignant écrit doit permettre de les mettre en confiance et de les encourager à exprimer leurs opinions, idées, réflexions.
* Il y a aussi ceux qui sont limités à l'écrit en raison de la norme orthographique. Ces enfants là se "lâchent" plus aisément dans la tâche d'écriture dés qu'on leur enlève cette charge. Il faut rester exigent sur le fait que l'écrit est destiné à être lu par l'enseignant et qu'il faut donc faire l'effort d'écrire de son mieux mais préciser que les textes ne sont pas destinés à être orthographiquement parfaits et ne seront pas corrigés.
* Certains ont des difficultés à approfondir (écrivent peu et restent "en surface"). C'est justement l'intérêt de ce travail : les écrits de l'enseignant doivent pousser l'élève à aller plus loin dans sa réaction au texte.
Justement, l'intérêt du journal dialogué c'est de faire évoluer les écrits et donc la pensée vers quelque chose de plus personnel, de plus réfléchi. Les propositions d'introductions peuvent aussi aider les élèves qui sont mal à l'aise à se lancer. Les exigences et les progrès vont bien sûr être très variables d'un élève à l'autre.
Cette pratique remplace t-elle l'étude littéraire de l'oeuvre faite en classe en collectif ou par questions écrites ou c'est en plus ?
Cette pratique ne remplace pas car elle ne se suffit pas à elle même. Elle complète. Mais faire une étude littéraire avant le journal dialogué lui ferait perdre tout son intérêt il me semble. D'autres activités littéraires peuvent être faites en collectif ou en petits groupes sur le même livre, parallèlement, en fonction de difficultés observées : lancer un débat interprétatif, travailler la compréhension sur un passage qui a posé problème, faire travailler l'ordre chronologique si ça a coincé, etc... Et puis, on n'est pas obligé de proposer un journal dialogué pour tous les livres travaillés en classe.
Je vais ajouter tes questions pertinentes et les réponses en FAQ à la fin de l'article. Tu vois cet échange me fait penser au principe du journal dialogué où tu serais l'enseignante et moi l'élève. Tes questions m'ont poussée à approfondir mon raisonnement et même à conscientiser certaines choses. Merci Stylo rouge !